Libre opinion : le nouvel économiste 06/06/2016
S’il est un domaine où règne le bouc émissaire cher au regretté René Girard, c’est bien celui de l’euro.
Gilles Cosson : ancien membre du directoire de Paribas, dernier livre paru : Debout citoyens : contre la décadence !
Au fil de nos déceptions, la monnaie unique est devenue le réceptacle de nos mauvaises humeurs, pour ne pas dire le coupable idéal responsable de tous nos malheurs : à entendre ses détracteurs, chaque année plus nombreux, une bonne dévaluation et tout irait beaucoup mieux. C’est justement ce que l’euro nous interdit de faire…
Toute l’histoire économique française est faite de ces coups de pouce ingénieux qui, de la “dévaluation compétitive” (version de droite) à “l’euthanasie des rentiers” (version de gauche) satisfont sournoisement nos hommes politiques. L’on y trouve le parfait résumé de nos hypocrisies et de nos lâchetés.
Certes laisser glisser sa monnaie aboutirait pour un temps, bref, à “donner de l’air” à nos industries exportatrices en diminuant artificiellement le prix de nos produits, mais si elle n’était pas accompagnée immédiatement d’une cure d’austérité diminuant nos coûts structurels, il ne pourrait s’agir que de ce que la sagesse populaire appelle “un emplâtre sur une jambe de bois” pour ne pas parler de purs soins palliatifs. Les prix ne tarderaient pas à monter, les économies des épargnants à fondre, et tout serait à recommencer, déception garantie en sus.
La monnaie unique a été crée, entre autres raisons, pour nous obliger à ajuster nos coûts de production face à nos concurrents de la zone euro d’abord, à ceux des économies ensuite.
Il s’agissait d’une discipline sévère faisant apparaître sans appel possible toute dérive et rendant impératives les mesures de correction. Hélas ! Dans la meilleure tradition française, notre pays, loin de mettre de l’ordre dans ses superstructures administratives dont le poids répercuté grève nos produits d’une insupportable surcharge, s’est contenté du “laisser aller” habituel quand il n’a pas fait l’inverse de ce qu’il fallait faire en développant de façon irraisonnée la fonction publique territoriale et autres molochs à l’appétit illimité.
Le résultat est là : les mesures nécessaires n’ont pas été prises, tout au contraire, et un long gémissement s’élève qui fait porter à l’euro le poids de tous nos maux. Mais regardons les choses en face : la responsabilité est nôtre. De plus, si nous quittions la monnaie unique pour dévaluer, le crédit de la France serait mort pour longtemps et la spirale des prix s’enclencherait aussitôt, réduisant rapidement à néant l’effet bénéfique de la dévaluation.
La vérité est que nous devons attaquer le problème à sa base : pour rendre nos produits compétitifs, il faut leur restituer une structure de coûts raisonnable. Il nous faut travailler mieux avec des moyens réduits, il faut retrousser nos manches face à des concurrents qui nous regardent goguenards avec l’intention avérée de ne nous faire aucun cadeau.
L’euro n’est qu’un alibi, un mauvais alibi. C’est si vrai que même les Grecs pourtant sévèrement touchés par la remise en ordre de leur économie rendue nécessaire par des dépenses publiques inconsidérées, ne veulent pas en sortir.
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